Inspiré d'un roman de Richard Price, « LES CHAÎNES DU SANG » s’inscrit bien dans la filmographie éclectique mais cohérente de Robert Mulligan, qui traite une fois encore de l’enfance malmenée et de l’incommunicabilité. Situé dans le quartier italo de New York, le film suit le destin d’un jeune homme obligé de rompre avec sa famille adorée mais destructrice pour pouvoir avancer dans la vie.
Le scénario bâti en chronique ultra-réaliste progresse de crises d’hystérie en soûleries « viriles » et décrit sans complaisance ce monde de machos braillards mais fondamentalement intolérants et primaires. Quel dommage alors que le rôle central soit tenu par Richard Gere, qui se croit obligé de se balader torse-nu (ou en chemise grande ouverte ou en T-shirt trempé de sueur) une scène sur deux, d’exposer son bronzage hors-sujet et d’adopter un style de jeu calqué sur les Brando et James Dean d’antan. C'était un rôle en or dont il ne fait pas grand-chose. Heureusement, Mulligan a réuni autour de lui un cast éblouissant : Tony Lo Bianco dans le rôle de sa vie, superbe en père soupe-au-lait et borné, façonné par son milieu jusqu'à en devenir odieux. Paul Sorvino, lui aussi parfait en oncle tonitruant mais sensible. Mais c'est Lelia Goldoni qui vole la vedette à tout le monde, dans un personnage de « desperate housewife » maniaco-dépressive constamment au bord de la crise de nerfs. La séquence où elle tétanise son plus jeune fils en s’arrachant littéralement les cheveux, fait froid dans le dos. Parmi les petits rôles, Robert Englund et Danny Aiello en contremaître.
Très handicapé par son acteur principal donc, « LES CHAÎNES DU SANG » ne parvient jamais à décoller vraiment et son esthétique rappelle les nanars de Travolta des seventies. Il n’en reste pas moins que la réelle sensibilité du réalisateur parvient tout de même à traverser l’écran à plus d’une reprise.