Coincé entre le manifeste esthétique et stylistique que fut « POUR UNE POIGNÉE DE DOLLARS » et l’aboutissement d’une démarche de réalisateur que sera « LE BON, LA BRUTE, LE TRUAND », « …ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS » fait toujours figure de film de transition dans l’œuvre de Sergio Leone. Cela n’ôte rien aux qualités du film, mais il lui manque la petite étincelle de génie qui traverse le reste de la filmo de l’Italien.
Le scénario tient davantage du ‘film noir’ que du western à proprement parler : deux hommes s’associent pour coincer une bande de braqueurs de banques. Le plus âgé des partenaires a un compte personnel à régler avec le chef des hors-la-loi. Clint Eastwood s’il retrouve son poncho et son cigarillo ne tient pas tout à fait le même rôle : s’il s’appelait ‘Joe’ dans le film de 1964, il est ici surnommé ‘Monco’ (apparemment à cause d’un manchon de cuir qu'il porte au poignet droit) et n’agit que par goût de l’argent. Joe sous ses airs cyniques, révélait tout de même une certaine humanité qu’on aurait peine à déceler chez Monco.
Leone beaucoup plus sûr de lui, appuie les effets amorcés dans son western précédent : les gros-plans microscopiques abondent, la lenteur qui devait devenir sa marque de fabrique s’installe sans complexe, il aborde le flash-back de façon très originale pour l’époque et il laisse de plus en plus de place à la BO d’Ennio Morricone qui devient un acteur à part entière du processus.
Mais malgré ces innovations, « …ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS » demeure anecdotique. Comme un enchaînement de vignettes plus ou moins brillantes, d’intérêt inégal, une succession de morceaux de bravoure visuels qui peinent à former un tout.
Et pourtant… Comment oublier la première apparition de Lee Van Cleef dans le train, dont le visage est d’abord dissimulé par sa bible ? La crise de tics de Klaus Kinski humilié par le même Van Cleef au saloon ? Le duel de chapeaux des deux chasseurs de primes dans la grand-rue ? La montre à gousset musicale ? Rien que des « standards » du ‘spaghetti western’ entrés dans les annales.
Mais le film demeure ce qu'il est : une sequel. Le passage obligé – mais pas forcément nécessaire – entre un petit chef-d’œuvre révolutionnaire et le véritable envol d’un grand cinéaste.
À 40 ans à peine, Van Cleef joue avec une magnifique assurance un personnage qui en a facilement dix de plus. Son colonel Douglas Mortimer, tueur élégant vêtu en croque-morts, trimbalant un arsenal intimidant, crève l’écran avec une évidence peu commune. Comment croire que c'était le premier véritable rôle principal du comédien ? Plus en retrait, Eastwood s’efface élégamment derrière « le vieux », mais fignole avec humour son archétype d’antihéros amoral. Face à eux, Gian Maria Volontè compose un ‘bad guy’ schnouffé jusqu'aux yeux avec une verve inimitable.
Même si on peut manifester des réserves, c'est un film qui a marqué son temps, fait partie d’un tout et qui malgré sa longueur pas toujours justifiée, recèle encore bien des bonheurs cinéphiliques. Sa récente réédition en Blu-ray ne pourra que lui apporter de nouveaux admirateurs. Viva Leone !
À NOTER : la version italienne du film ne diffère de l’internationale que par quelques menus détails comme un colt trempé dans l’eau bénite ou l’agonie d’un cafard écrasé par l’Indio.