Acteur-culte de tout amateur de cinéma ‘bis’ qui se respecte, le Polonais Klaus Kinski a tout expérimenté, du polar allemand au ‘spaghetti western’ de 3ème zone, en passant par le roman-photo à deux sous. Il impose dans les seventies son style convulsif dans des rôles à la Peter Lorre où la grimace démoniaque, la menace doucereuse, la perversion libidineuse, le narcissisme masochiste, finissent par lui donner un style unique et souvent fascinant.
Dans une filmo de plus de 150 titres, on peut retenir l’officier nazi dans une séquence de « LE TEMPS D’AIMER, LE TEMPS DE MOURIR », le fugitif malade dans « TRAHISON SUR COMMANDE », un très grand nombre de pervers et de faux-suspects dans les thrillers anglo-allemands tirés de l’œuvre d’Edgar Wallace. Puis ses rôle s’étoffent progressivement : le bossu plein de tics de « …ET POUR QUELQUES DOLLARS DE PLUS », le prisonnier rebelle dans le wagon de « DR. JIVAGO », le moine dynamiteur de « EL CHUNCHO », le braqueur nerveux dans « LE CARNAVAL DES TRUANDS », le chasseur de primes cynique dans « LE GRAND SILENCE », le marquis de Sade de « JUSTINE, LES INFORTUNES DE LA VERTU », le tueur gay de « CHACUN POUR SOI », le chef de bande sadique de « PRIEZ LES MORTS, TUEZ LES VIVANTS ».
Sa collaboration agitée avec Werner Herzog lui offre ses meilleurs rôles : le conquistador suicidaire de « AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEU » (définitivement son chef-d’œuvre), le vampire souffreteux de « NOSFERATU, FANTÔME DE LA NUIT », le pauvre soldat « WOYZECK », l’aventurier utopiste « FITZCARRALDO », l’esclavagiste hystérique de « COBRA VERDE », interprétation hors-contrôle qui marque le début de la fin pour l’acteur.
Il est hallucinant dans le rôle de Karl-Heinz Zimmer, l’acteur de « L’IMPORTANT, C’EST D’AIMER » où il est à la fois pathétique et répulsif. Suivra une période française peu emballante d’où se détachent son rôle d’éminence grise dans « MORT D’UN POURRI » (où il dit du Audiard !) et une ribambelle d’improbables films d’auteur et même quelques curiosités érotisantes.
Kinski n’apparaît qu’au début de « UN GÉNIE, DEUX ASSOCIÉS, UNE CLOCHE » en pistoléro ridiculisé.
Au début des eighties, Kinski s’installe aux U.S.A. et y tourne des séries B : il est un amant de maman Freud dans « THE SECRET DIARY OF SIGMUND FREUD », un psy dans « SCHIZOÏDE », un savant constructeur de robots dans « ANDROÏDE », un autre savant bouffé par les aliens dans « CRÉATURE ». Il est le sexologue roué de « BUDDY, BUDDY », le milliardaire ripou de « LOVE & MONEY », il apparaît dans un plan du « SOLDAT » en espion russe. Il étonne en chef des services secrets… israéliens dans « LA PETITE FILLE AU TAMBOUR », où il fait preuve d’un humour inaccoutumé et se montre réjouissant en propriétaire voyeur d’un immeuble dans le crapoteux « FOU À TUER ».
Huit ans après la mort de l’acteur, Werner Herzog lui consacre un documentaire joliment intitulé « ENNEMIS INTIMES », où il en ressort paradoxalement que le plus ravagé des deux n’était pas forcément celui qu’on croit.
Kinski écrit diverses moutures de ses sulfureux souvenirs : « CREVER POUR VIVRE » en France, « ALL I NEED IS LOVE » puis « KINKSI UNCUT » aux U.S.A., de plus en plus délirants et pornographiques. Il réalise lui-même « PAGANINI » qui entraînera plus ou moins sa fin tragique et solitaire. Film-monstre, délirant de mégalo galopante, bourré d’effets qui se télescopent, de ralentis, l’objet ressemble indéniablement à Kinski. Un peu trop, hélas…
À noter qu’il apparaît dans le documentaire « BURDEN OF DREAMS », consacré au tournage de « FITZCARRALDO » et réputé plus intéressant que le film lui-même et qu’un court-métrage (tourné pendant « FOU À TUER ») « PLEASE, KILL MR. KINSKI » lui est consacré.
À la TV, il est un chef d’orchestre dans un « VOYAGEUR », le voyageur du temps mal intentionné qui écume l’Ouest dans « TIMESTALKERS ». On appréciera au second degré son ahurissant numéro dans « LA BELLE ET LA BÊTE », surtout lorsqu’il se métamorphose en prince charmant…
En un mot comme en cent : irremplaçable !