À sa sortie, « LE BISON BLANC », grosse production de Dino de Laurentiis, fut lancé comme un blockbuster. Le scénario était tiré d’un roman qui évoquait clairement le « MOBY DICK » de Melville, transposé au Far West, et le casting de Charles Bronson dans le rôle de « Wild » Bill Hickcok avait de quoi intriguer. Hélas ! Réalisé par l’Anglais J. Lee-Thompson qui entamait là sa longue descente dans les profondeurs du nanar, « LE BISON BLANC » fut une cruelle déception et marqua la fin des « années superstar » de Bronson, qui ne régna que deux ans aux U.S.A.
Le film souffre d’un vice de forme irréparable. Censé être rongé par la syphilis, Hickcok rêve toutes les nuits d’un gigantesque bison blanc qui fonce droit sur lui. Ce même bison, qui existe réellement, a détruit un village et piétiné le fils du chef Sitting Bull, qui le traque inlassablement. Les deux hommes vont se retrouver, alliés puis rivaux, face au monstre. Ce monstre, qui est donc le cœur même du film, et aurait dû faire hurler de terreur dans les salles. Si quelqu’un hurla, ce fut plutôt de rire…
Conçu par Carlo « E.T. » Rambaldi, le bison n’est qu’une énorme marionnette montée sur rails, qui avance selon un mouvement de balancier et auquel on a collé un mugissement d’éléphant enroué. À la base, un bison – blanc ou pas – ne fera jamais aussi peur qu’un requin, mais si en plus, il ressemble à… cela, il n’y a plus de film. C'est dommage, car quelques éléments laissent entrevoir ce que « LE BISON BLANC » aurait pu être : les paysages enneigés, les montagnes d’ossements de bison longeant la voie ferrée, et stigmatisant la fin du peuple Indien, la déco des saloons, annonçant le réalisme de la série « DEADWOOD », et le défilé d’acteurs connus dans des rôles minuscules (John Carradine, Stuart Whitman, Slim Pickens, Clint Walker,Ed Lauter, qui sont passés en voisins). Mais rien n’y fait, quelque chose est biaisé dans le film, et celui-ci ne s’en relève jamais. D’autant que Bronson étrangement peu concerné, offre une prestation oblique, presque absente, et qu'il est bien trop âgé pour incarner « Wild » Bill, qui mourut à 37 ans. Il se laisse voler la vedette par le « native » Will Sampson, révélé l’année précédente par « VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU », et même Jack Warden, amusant en vieux trappeur borgne au langage coloré. Kim Novak ex-égérie des fifties, apparaît brièvement en maquerelle accueillante.
« LE BISON BLANC » n’est pas à la hauteur de son thème magnifique, et Thompson dont les meilleurs films dataient déjà d’une bonne dizaine d’années, n’était pas l'homme de la situation. Seules quelques images surnagent, comme ce décor de studio, où a lieu l’affrontement final entre les hommes et la bête, sorte de scène de théâtre irréelle, qui semble sortie d’un mauvais rêve (c'est d'ailleurs le cas, en l’occurrence !), mais le ridicule l’emporte trop souvent, et la patine du temps n’a pas bénéficié à ce film, qui fit beaucoup de mal à la carrière de Charles Bronson, et même au western au général, à une période où il n’allait déjà pas très bien. « LE BISON BLANC » n’est pas un « grand film malade », selon la définition de Truffaut. Juste un film raté.
A NOTER : Après des années d'invisibilité, le film est récemment sorti en zone 2, mais demeure inédit en zone 1.