Comédien new-yorkais d’abord limité dans ses emplois par son accent du Bronx et un physique particulier, Harvey Keitel connaît un formidable épanouissement à la cinquantaine.
Le meilleur rôle de sa « première carrière » reste celui du malfrat grenouilleur de « MEAN STREETS ». Scorsese avait déjà fait de Keitel la vedette de son premier film « WHO’S THAT KNOCKING AT MY DOOR ? » et il le réutilisera régulièrement : en amant névrotique dans « ALICE N’EST PLUS ICI », en mac à cheveux longs dans « TAXI DRIVER » et après des années d’interruption en Judas rouquin et ombrageux dans « LA DERNIÈRE TENTATION DU CHRIST » où son accent vaut à Keitel les pires critiques de sa carrière aux U.S.A., même s’il y est objectivement remarquable.
Il est ouvrier dans « BLUE COLLAR », officier napoléonien obsessionnel dans « DUELLISTES » où il est très inquiétant, traître spatial dans « SATURNE 3 », héros de « AMBULANCES TOUS RISQUES », homme de main et pianiste dans « FINGERS ».
Installé un temps à Paris, Keitel y tourne plusieurs films : « LA MORT EN DIRECT » en voyeur professionnel, « UNE PIERRE DANS LA BOUCHE » en fugitif, « LA NUIT DE VARENNES » où il croise Louis XVI, « DREAM ONE » où il incarne… Zorro.
De retour aux U.S.A., il ne tient que des rôles effacés dans « BUFFALO BILL ET LES INDIENS » en neveu fayot, « POLICE FRONTIÈRE » en ripou ou « FALLING IN LOVE » en copain divorcé.
Le vrai renouveau arrive avec « THE TWO JAKES » où Keitel révèle une présence plus forte, une intensité nouvelle, dans un rôle de gangster condamné par la maladie. Il confirme ensuite : il joue plusieurs flics, le subtil de « THELMA & LOUISE », l’intuitif de « PENSÉES MORTELLES », le corrompu de « CALENDRIER MEURTRIER », le raciste de « SOLEIL LEVANT », il enquête à Londres dans « THE YOUNG AMERICANS », revient à Brooklyn dans « CLOCKERS », il est l’officier-despote de « COP LAND ». Mais le summum est atteint avec « BAD LIEUTENANT » où Keitel va jusqu'au bout d’une certaine démarche en jouant un ripou drogué jusqu'à l’os alignant les séquences de masturbation, de prise de cocaïne ‘live’ et autres nus frontaux avec un abandon jamais vu chez un comédien de premier plan. Le résultat laisse pantois…
Il laisse tomber les gendarmes pour incarner le photographe malsain dans « 2 YEUX MALÉFIQUES », le Maori tatoué de « LA LEÇON DE PIANO » (où il n’est pas des plus crédibles), le gangster chauve ami de « BUGSY », le flingueur de « NOM DE CODE : NINA », le truand de « SISTER ACT », le réalisateur manipulateur de « SNAKE EYES ».
Il possède un singe klepto dans « MON AMI DODGER », il est une ex-star de télé dans « SOMEBODY TO LOVE », un prêcheur veuf dans « UNE NUIT EN ENFER », un braqueur trahi dans « CITY OF CRIME », polar injustement méconnu où il est exceptionnel.
Harvey Keitel retourne au cinéma « sérieux » en jouant le cinéaste grec dans le (très) long « LE REGARD D’ULYSSE ». Il est inhabituellement sympa en escroc mytho dans « IMAGINARY CRIMES » et en époux de Cameron Diaz dans « HEAD ABOVE WATER ». Il tient le rôle de Houdini dans « FAIRYTALE, A TRUE STORY », il s'indentifie à Elvis dans « ROAD TO GRACELAND », joue un désenvoûteur dans « HOLY SMOKE », le sergent dévoué de « U-571 », un agent du FBI dans « GINOSTRA », un officier aux méthodes discutables dans « TAKING SIDES », le boss du FBI de « RED DRAGON », le veuf inconsolable de « UN CRIME », le maître d’œuvre dans « MON BEAU-PÈRE ET NOUS ».
On peut avoir un faible pour son rôle de ‘Mister White’, braqueur réglo de « RÉSERVOIR DOGS » où il crève l’écran. Quentin Tarantino le réutilise dans son « PULP FICTION » où Keitel joue Wolff le gangster qu’on appelle dans les urgences.
Il apparaît dans son propre rôle, non-mentionné au générique à la fin de « GET SHORTY ». Mais paradoxalement, son rôle le plus attachant reste celui d’Auggie le vendeur de cigares généreux de « SMOKE » puis « BROOKLYN BOOGIE » où Keitel révèle une facette tendre de sa personnalité. Paul Auster auteur des deux films, réemploie Keitel en musicien dans « LULU ON THE BRIDGE » qu’il réalise lui-même.
À noter que Harvey Keitel est un des rares comédiens à avoir été « remercié » officiellement de deux tournages importants : « APOCALYPSE NOW » (où il sera remplacé par Martin Sheen) et « EYES WIDE SHUT » où c’est Sydney Pollack qui prendra sa place.
À la TV, on voit Keitel en voleur dans « SUR LA PISTE DU CRIME », en preneur d’otages dans « KOJAK » et dans le rôle de Bugsy Siegel (dont il jouait l’ami dans le film de Levinson) dans « THE VIRGINIA HILL STORY ». Il est le lieutenant dans la version U.S. de la série « LIFE ON MARS ».
Aujourd'hui, il fête ses 73 ans. Happy birthday, Harvey.